Comment je me suis fait arnaquer… et ce que tout artisan doit savoir

Viser la Lune Savonnerie
Carmen HERVAS ALONSO

Début 2025, j’ai vécu une expérience qui m’a coûté plus de 5 000 euros et m’a énormément appris. Je souhaite partager cette histoire pour que d’autres artisans, savonniers ou créateurs, puissent éviter les mêmes pièges.

Il s’agit d’une capture d’écran de la boîte mail de la savonnerie – contact@viserlalune.fr – où l’on peut voir certains échanges avec l’entreprise faisant partie du groupe qui m’a arnaquée. Cette image illustre la communication active que j’ai eue avec eux avant que tout contact cesse soudainement.

Le rêve d’un marché international

Tout a commencé lorsqu’une entreprise appelée JITIT (ou JITRI) m’a contactée, disant être intéressée par un projet : porter mes savons artisanaux sur le marché asiatique du luxe. Ce marché, même s’il est lointain et complexe, paie pour un produit de qualité, comme mes savons, et je savais que certains artisans ou producteurs de champagne y réussissent. J’ai voulu rêver et croire que c’était possible pour moi aussi. Je sais que mes compétences en communication et marketing limitaient ma croissance locale.

Le piège : documents officiels et faux partenaires

On m’a demandé 60 000 savons, avec des plans pour continuer la commande l’année suivante. Pendant trois mois, j’ai travaillé activement : vidéos-appels avec différentes personnes, échanges constants par email et téléphone, préparation de dossiers réglementaires, instructions pour la conservation des savons, étiquetage adapté au marché sud-coréen, puis vietnamien et japonais. J’ai même dû payer près de 5 000 euros pour obtenir un document officiel nécessaire à l’export en Corée du Sud, un papier indispensable pour vendre légalement mes produits.

Capture d’écran des échanges avec l’entreprise Tomeron, qui était chargée de me fournir le document réglementaire obligatoire pour vendre mes savons en Corée du Sud.

En parallèle, j’ai beaucoup travaillé de mon côté pour imaginer concrètement cette tournure pour ma savonnerie. Je planifiais la fabrication en gros : je comptais travailler 5 jours par semaine pour fabriquer 50 kg de savon par jour, en sachant que deux jours après il fallait se rendre à l’atelier pour démouler. J’avais calculé que, si tout se passait bien, je pourrais, en fin, me dégager un salaire à la fin de la production. J’étais même obligée d’embaucher une personne pour respecter les dates prévues dans le contrat, pour m’aider à l’étiquetage et au packaging. Et j’avais trouvé une super artisane qui allait me fabriquer des bons coupe-savons, afin de minimiser les gestes au moment du découpage.

Le silence brutal

Tout semblait en ordre. Puis, du jour au lendemain, l’entreprise basée en Chine (JITRIT) a cessé tout contact. J’avais commis plusieurs erreurs : ne pas vérifier correctement les numéros de téléphone, ne pas demander conseil à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat ou à la Chambre de Commerce pour un projet international, et ne pas obtenir un accompagnement plus précis de mon expert-comptable. Je l’avais communiqué mes changements, mais pas sollicité de conseils détaillés.

Finalement, j’ai découvert que la société chinoise et l’entreprise polonaise (TOMERON), à qui j’avais demandé le document officiel, appartenaient au même groupe basé en Californie. Mon document officiel est valide, mais l’entreprise “acheteuse” ne voulait plus de moi. Et légalement, c’est possible : rien ne m’obligeait à être payée, car le service avait été rendu.

Continuer malgré tout

Cette expérience, de février à début mai 2025, m’a coûté énergie et temps. Mais elle m’a aussi appris la prudence, l’importance des vérifications et du conseil professionnel, et à ne pas se laisser emporter par des rêves trop rapides.

Aujourd’hui, je reste positive. J’ai les ressources, la motivation et la passion pour ma savonnerie, et je continue à travailler pour développer mes ateliers et mes créations. Peut-être qu’un jour, je réussirai à en vivre pleinement, mais je sais que chaque étape, même difficile, m’apprend à avancer avec plus de force et de lucidité.

Merci beaucoup pour votre lecture, à très bientôt !
Carmen.